Les goûts et les couleurs… Le 20 mai 2015

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Au programme mercredi dernier : dégustation de produits fabriqués par les Légumes oubliés animée par Bernard Lafon, le maître des lieux, propriétaire de la ferme. Jus de sureau, tartes aux orties et confiture de gratte-cul. Un fruit méconnu dont les enfants vont sûrement se souvenir ! Il s’agit comme chaque semaine de faire participer les enfants à une activité commune, de recueillir leurs sensations… Comme souvent, ce sont les coulisses qui se révèlent intéressantes. Car au-delà des mines dégoutées, des regards curieux ou inquiets et des sourires gourmands, il se passe des choses que nous ne maîtrisons pas, mais que nous observons. Avec plaisir.

« Moi aussi j’ai un tic »

« En fait les enfants autistes et nous on est pareil et pas pareil. On a deux pieds, deux jambes, deux bras et tout ça mais on n’a pas la même voix vocale. »

Il semble que Clémentine, la grande sœur de Romane, résume très bien la situation. Les enfants « ordinaires » – nos petites abeilles, terme que nous préférons – constatent la situation, mais ne s’en préoccupent pas. Tous ont été interloqués par l’impulsivité de la grande Camille ou les cris d’Alexandre. Mais ils ont appris à vivre avec et semblent comprendre les problèmes de leurs petits binômes.

Clémentine, encore, l’exprime très bien.

« J’aimerais pas avoir cette maladie parce que je suis papoteuse alors je sais pas comment je ferais. Mais je les comprends un peu les autres enfants parce que moi aussi j’ai un tic, je peux pas m’en empêcher. Si tu peux pas parler, tu peux écrire pour dire quelque chose, sauf à la piscine parce là tu peux pas écrire à cause de l’eau »

« Ils le font pas exprès »

Et plus que compréhensifs, ils semblent touchés par ces rencontres et blessés par les difficultés que doivent affronter leurs nouveaux copains. Quel que soit leur âge. A 7 ans, Talia commente :

 » J’aime pas qu’on me regarde, je crois que les autres enfants ils n’aiment pas non plus. Mais moi je suis pas autiste. L’autisme c’est grave parce que c’est une maladie qui nous rend malade. Ils le font pas exprès et c’est pas gentil de se moquer, c’est interdit. »

On perçoit alors que ces enfants « formés » – ou plutôt sensibilisés par ce type d’expérience –  pourraient devenir de très bons ambassadeurs. Dans les écoles, par exemple, ils  aideraient les enfants avec autisme – ou porteur de tout autre handicap pouvant « déranger » – à trouver leur place auprès des autres. D’ailleurs les parents le confirment. Les autistes ont besoin de repère, comme l’explique Jessica, la maman de la petite Camille, qui mercredi dernier, comme souvent, réclame sa maman à ses côtés.

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« Elle est contente quand je lui dis qu’on vient et elle connaissait Talia – elles sont dans la même classe – c’est mieux qu’elle ait un repère. »

Des coccinelles très réceptives

Et si ces après-midi ouvrent les abeilles sur le monde extérieur et les différences qu’ils peuvent rencontrer, les propos de Jessica attestent qu’ils ne sont pas les seuls bénéficiaires. La socialisation des autistes – qui est justement ce qui leur fait défaut  – est essentielle.

« Avant, Camille ignorait son frère et elle ne jouait avec aucun autre enfant. Depuis qu’elle est à l’école, elle joue avec lui. C’est grâce à l’école. »

Et les coccinelles ont très bien perçu les modes de communication de leurs camarades et s’y adaptent naturellement – sans aucune recommandation des adultes – comme mercredi dernier lors de la dégustation. Un moment difficile, notamment pour la petite Camille.

« J’aime bien quand Camille se touche le ventre comme si elle se grattait et elle dit « veux pas, veux pas » quand elle veut pas manger. Moi non plus je voulais pas manger, surtout la confiture qui pique alors j’ai fait non avec la tête, j’ai pas parlé. Camille elle parle un petit peu, je lui dis « Ça va Camille ? – elle dit Oui » et des fois elle me fait des câlins qui tirent. Des fois aussi, elle me donne la main et sa main est toujours gelée », explique Talia.

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Nous constatons également que les enfants plébiscitent les activités de groupe. La dégustation de mercredi dernier, plutôt individualiste, ne les a pas tous conquis. A l’image de Lucas :

« J’ai pas trop aimé aujourd’hui, je me suis ennuyé parce que je connaissais déjà. Mais j’aime bien venir ici avec les autres enfants parce que j’aime les aider. Par exemple j’ai bien aimé aider Evan quand on a fait la peinture des abris à coccinelles. J’ai pas peur des enfants autistes, ils n’ont pas de chance car ils ne peuvent pas parler. Quand on peut parler, on peut dire « Je t’aime » ou « Je t’aime pas ». C’est une maladie grave, surtout Camille, la grande, elle est très excitée. Alexandre, lui il a les oreilles très fines et quand il y a du bruit, il se bouche les oreilles, c’est trop pour lui comme quand on fait la fête et que c’est trop fort, ça nous fait mal aux oreilles. Je voudrais qu’on soit amis avec tous les enfants comme ça on pourrait jouer à chat perché. »

Quant au timide Evan, il a préféré faire la vaisselle avec Bernard Lafon plutôt que goûter à ces étranges mets !

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Et concernant notre sujet du jour, la dégustation n’a pas toujours été bien vécue. Alexandre qui adore être à l’extérieur s’est senti un peu confiné et pas aussi à l’aise que d’habitude. Camille la petite a un rapport un peu difficile avec la nourriture, elle n’a souhaité goûter à rien et toute cette nourriture sur la table l’a fait fuir. Son malaise était perceptible. Il a fallu séduire et négocier avec Talia qui ne voulait pas manger de l’ortie dans la tarte ou boire du jus noir, elle tenait absolument à colorier et à attendre le goûter d’anniversaire de sa sœur Léa, absente pour l’activité. Au final, la tarte a été goûtée d’abord par Jocelyne, la directrice de l’association Les Mots de Jossy, puis Talia a accepté d’en croquer un petit bout puis de nouveau Jocelyne et au final, Talia a repris deux fois de la tarte sans partager avec qui que ce soit. En revanche, les efforts d’Ingrid pour faire manger Evan ont été vains.

Tout ce petit monde s’est détendu une fois dehors.

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A la prochaine fois…!

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